Reuters/ Radu Sigheti
Renault construit à Tanger un site de production de son modèle low cost, Dacia.
Largement aidé par l'Etat marocain, le constructeur implante une usine à bas coût de l'autre côté de la Méditerranée. Une décision qui suscite des inquiétudes sur l'emploi dans les sites français.
Les fondations sont terminées, les ouvriers marocains montent les murs de l'usine. Le temps presse. Il faut que le toit soit achevé avant les premières pluies, en novembre. Déjà, l'an dernier, le chantier avait pris quatre-vingts jours de retard à cause des intempéries. Pour Renault, qui construit ici, à Tanger, son nouveau site de production de véhicules low cost (marque Dacia), il n'est pas question de retarder le lancement, prévu début 2012. "Notre usine roumaine est saturée, nous avons besoin de capacités supplémentaires. Pour nous, ce projet est stratégique", commente Jacques Chauvet, leader de la région Euromed, au sein du constructeur français.
L'idée plaît d'emblée à Ghosn, d'autant que la firme au losange possède déjà un site de montage à Casablanca, la Somaca. Plus de 50 000 Logan, Kangoo et Sandero en sont sorties en 2009. En quelques mois, le projet est lancé. A priori, to-talement fou : Renault et Nissan prévoient de construire 400 000 voitures sur cette terre aride, vierge de toute industrie, d'où l'on aperçoit, au loin, les contreforts d'Algésiras.
Mais il y a aussi les avantages - nombreux. D'abord, les coûts salariaux, à peine 5 euros l'heure. Encore moins que la Roumanie, où, après les mouvements sociaux, les salaires risquent de grimper dans les prochaines années. Il y a, ensuite, les faveurs de l'Etat marocain. Pour attirer le constructeur français, les autorités mettent le paquet : l'usine bénéficiera du statut de zone franche. Grâce aux accords de libre-échange que le Maroc a signés avec l'Union européenne, le Groupe Renault ne paiera pas de droits de douane sur les exportations de véhicules. Il ne sera pas soumis non plus à l'impôt sur les bénéfices pendant cinq ans (puis à un taux de 8,75 % sur les vingt années suivantes, soit, en "lissé", 7 % sur vingt-cinq ans). L'Etat s'engage aussi à construire une route et une ligne de chemin de fer pour acheminer les voitures au port de conteneurs, tout proche, où le constructeur disposera d'une zone d'entreposage de 13 hectares. Le Maroc finance également la création d'un institut de formation spécialisé dans les métiers de l'automobile. Enfin, une "subvention pour investissement" est accordée au groupe français. Le montant : plus de 60 millions d'euros. Soit 10 % du coût de l'usine.
"Nous leur avons taillé un costume sur mesure", résume Ahmed Reda Chami, ministre marocain de l'Industrie. La formule est appropriée pour cette région, de tradition textile, qui fait sortir de terre, ex nihilo, un véritable pôle automobile. Derrière Renault, qui va recruter 6 000 ouvriers et techniciens, une kyrielle d'équipementiers s'engagent en effet dans l'aventure. Saint-Gobain, Trèves, Hutchinson, Valeo, Visteon... Eux aussi construisent des usines - une quinzaine, en tout. Soit 30 000 recrutements en perspective. L'objectif du Maroc est, en effet, d'intégrer le plus possible sa production. A terme, deux composants sur trois seront fabriqués sur place. Seuls pneus, boîtes de vitesses et moteurs seront importés.
Et pourtant, fin 2008, le projet a failli capoter. En pleine crise financière, Nissan s'est retiré, préférant concentrer ses forces sur l'usine indienne de Chennai (Madras), inaugurée en mars dernier. Une nouvelle fois, l'Etat marocain s'est mobilisé, via son bras armé : la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) du Maroc. Une structure a été créée, Renault Tanger Med. La CDG a pris 48 % du capital (220 millions d'euros), Renault en possédant la majorité.
Idéalement située, l'usine servira l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient, "mais aussi l'Europe", précise Jacques Chauvet. Les syndicats voient cette nouvelle implantation d'un mauvais ?il. La CGT Renault parle d'une usine "de tous les dangers". Certaines questions se posent. Parmi elles : le "monospace marocain" ne va-t-il pas cannibaliser la Renault Scénic ? Et donc affaiblir le site de Douai, où elle est construite ? Et les équipementiers ne risquent-ils pas de fermer certains sites français ? "Les sous-traitants qui s'implantent à Tanger pourront livrer leurs pièces dans le nord de la France en moins de deux jours", rappelle le ministre Reda Chami. Même PSA, qui va construire des voitures low cost dans son usine espagnole de Vigo, compte les solliciter. Une ligne de porte-conteneurs Tanger-Vigo est d'ailleurs à l'étude.
Source : http://www.lexpansion.com
Les fondations sont terminées, les ouvriers marocains montent les murs de l'usine. Le temps presse. Il faut que le toit soit achevé avant les premières pluies, en novembre. Déjà, l'an dernier, le chantier avait pris quatre-vingts jours de retard à cause des intempéries. Pour Renault, qui construit ici, à Tanger, son nouveau site de production de véhicules low cost (marque Dacia), il n'est pas question de retarder le lancement, prévu début 2012. "Notre usine roumaine est saturée, nous avons besoin de capacités supplémentaires. Pour nous, ce projet est stratégique", commente Jacques Chauvet, leader de la région Euromed, au sein du constructeur français.
Les équipementiers suivent en nombre
Rarement, une décision industrielle d'une telle ampleur (l'investissement global atteint le milliard d'euros) aura été prise aussi rapidement. Fin 2007, le Premier ministre marocain, Driss Jetou, rencontre Carlos Ghosn. Objectif : convaincre le PDG de Renault d'implanter une usine au Maroc. Plus précisément, à Tanger, ville portuaire idéalement située pour toucher l'Europe et le pourtour méditerranéen.L'idée plaît d'emblée à Ghosn, d'autant que la firme au losange possède déjà un site de montage à Casablanca, la Somaca. Plus de 50 000 Logan, Kangoo et Sandero en sont sorties en 2009. En quelques mois, le projet est lancé. A priori, to-talement fou : Renault et Nissan prévoient de construire 400 000 voitures sur cette terre aride, vierge de toute industrie, d'où l'on aperçoit, au loin, les contreforts d'Algésiras.
"Fiscalité avantageuse, nouvelles infrastructures, subventions... Nous avons taillé un costume sur mesure à Renault." Ahmed Reda Chami, ministre de l'Industrie marocain
"Nous leur avons taillé un costume sur mesure", résume Ahmed Reda Chami, ministre marocain de l'Industrie. La formule est appropriée pour cette région, de tradition textile, qui fait sortir de terre, ex nihilo, un véritable pôle automobile. Derrière Renault, qui va recruter 6 000 ouvriers et techniciens, une kyrielle d'équipementiers s'engagent en effet dans l'aventure. Saint-Gobain, Trèves, Hutchinson, Valeo, Visteon... Eux aussi construisent des usines - une quinzaine, en tout. Soit 30 000 recrutements en perspective. L'objectif du Maroc est, en effet, d'intégrer le plus possible sa production. A terme, deux composants sur trois seront fabriqués sur place. Seuls pneus, boîtes de vitesses et moteurs seront importés.
SATURATION. L'usine roumaine de Pitesti, qui fabrique la Logan (Dacia), est au maximum de ses capacités. Surtout, les coûts salariaux ont grimpé depuis quelques mois.
L'usine qui met en alerte les syndicats
Après cet épisode tumultueux, le projet n'a plus jamais été remis en question. Aujourd'hui, les ingénieurs planchent d'arrache-pied sur les deux modèles. A quoi ressembleront-ils ? Le Groupe Renault est très discret sur ce sujet. La première voiture sera une sorte de mono-space, type "Scénic loganisée". Quant au second modèle, ce sera vraisemblablement un petit utilitaire low cost (de type Kangoo). Dès 2012, 200 000 voitures devraient sortir des chaînes marocaines. Le rythme devrait doubler en 2014. Et l'on verra certainement arriver, par la suite, d'autres déclinaisons low cost. Et peut-être, aussi, des voitures Nissan ! Un bâtiment dédié au constructeur japonais est d'ailleurs en construction.Idéalement située, l'usine servira l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient, "mais aussi l'Europe", précise Jacques Chauvet. Les syndicats voient cette nouvelle implantation d'un mauvais ?il. La CGT Renault parle d'une usine "de tous les dangers". Certaines questions se posent. Parmi elles : le "monospace marocain" ne va-t-il pas cannibaliser la Renault Scénic ? Et donc affaiblir le site de Douai, où elle est construite ? Et les équipementiers ne risquent-ils pas de fermer certains sites français ? "Les sous-traitants qui s'implantent à Tanger pourront livrer leurs pièces dans le nord de la France en moins de deux jours", rappelle le ministre Reda Chami. Même PSA, qui va construire des voitures low cost dans son usine espagnole de Vigo, compte les solliciter. Une ligne de porte-conteneurs Tanger-Vigo est d'ailleurs à l'étude.
Source : http://www.lexpansion.com