mardi 27 juillet 2010

Le Maghreb, nouvel horizon européen des délocalisations


La délocalisation est une évolution inéluctable
La tentation du gouvernement français de sévir contre les délocalisations semble un combat d’arrière-garde. La tendance, française autant qu’européenne, est déjà forte. Le Maroc et la Tunisie en profitent mieux que l’Algérie qui dispose pourtant d’un très grand potentiel d’attraction.
Les centres d’appels téléphoniques des grands fournisseurs d’accès internet ou d’opérateurs de téléphonie mobile ne sont pas, loin de là, les seuls exemples de délocalisations au Maghreb. Ils sont la partie visible d’un mouvement qui s’élargit. Ainsi le Maroc a connu une augmentation de 15% du volume d’IDE en 2009 par rapport à 2008. Les délocalisations ont généré sur place 35 000 emplois, et pourraient représenter 100 000 postes de travail en 2015. Après les projets d’infrastructures dont le plus emblématique est le port de conteneurs de Tanger-Med, des joint-ventures industrielles voient le jour : automobile, aéronautique, énergie ou la délocalisation ou l’externalisation de services informatiques (off-shoring et outsourcing), en provenance d’Europe, du Japon ou des États-Unis. Les investissements effectivement lancés sont encore plutôt de petite taille, et pour l’essentiel portent sur des opérations à faible valeur ajoutée. Le Maroc commence néanmoins à accueillir des entreprises actives dans le secteur de haute technologie (maintenance informatique, développement de logiciels, etc.). Les  entreprises françaises qu’elles soient publiques ou privées forment le gros des investisseurs. Le signal d’une évolution qualitative a été donné par  Renault qui avec son usine dans la zone du port Tanger-Med, d’une capacité de 400 000 véhicules/an, devrait créer 6000 emplois directs et 30 000 chez les fournisseurs locaux. La Tunisie n’est pas en reste. Le pays est le plus industrialisé du Maghreb par rapport à la population.

Lisibilité marocaine et tunisienne

Pour la seule année 2009, la Tunisie a enregistré la création de 15841 nouveaux postes d’emploi dont, et c’est très significatif d’une tendance positive, 12966 postes dans l’industrie manufacturière. Le pays a vu l’entrée en production de 206 nouvelles entreprises à participation étrangère et 221 opérations d’extension par des entreprises étrangères déjà implantées. Dans le tableau maghrébin, l’Algérie, ou prédomine outrageusement le secteur pétrolier, est bon dernier en termes d’IDE ou de délocalisation. Les politiques économiques du Maroc et de la Tunisie,  sont d’une meilleure lisibilité et les conditions d’accueil du capital étranger y sont nettement supérieures à celles offertes par l’Algérie dont le potentiel de marché est pourtant considérable. Face à la concurrence est-européenne ou asiatique, les trois pays d’Afrique du Nord sont loin d’être privés d’arguments. Dans un contexte de crise globale où les entreprises doivent réduire leurs couts, la délocalisation est une évolution inéluctable. Dans la course à l’attraction des investissements, le Maghreb, à proximité immédiate de l’Europe dispose d’avantages comparatifs certains.

Résistances d’arrière-garde

On peut citer le fait que le français y est couramment parlé, la disponibilité de main d’œuvre à un coût du travail bas – autour d’un euro de l’heure - une fiscalité très attractive pour les investisseurs, en particulier ceux dont la production est destinée à l’exportation, et des infrastructures de bonne qualité. Les aspects moins positifs résident de l’avis des entrepreneurs étrangers dans la performance médiocre des administrations, les réflexes bureaucratiques ont la vie dure en dépit de réels efforts de modernisation. Les réserves d’IDE au Maghreb sont encore largement sous-exploitées et le mouvement tend à se renforcer pour autant que les politiques économiques maintiennent un cap qui s’est révélé fructueux. Les résistances des pouvoirs publics français et des syndicats qui s’expriment, dans un contexte de crise, sur un mode alarmiste sont des réactions d’arrière-garde. Elles traduisent un désarroi injustifié ou au moins largement exagéré. Le développement économique du Maghreb est la meilleure garantie de la stabilité régionale et surtout en vue de la maitrise des flux migratoires qui obsèdent les décideurs européens. Le développement des délocalisations et des IDE est la manifestation concrète de la construction d’une intégration économique en méditerranée occidentale. Les entreprises européennes, mues par des logiques de rentabilité et des contraintes objectives, apparaissent ainsi fort en avance sur des politiques dont le discours est en décalage avec la pratique.